À chaque cirque ses lumières. Certaines aveuglent, certaines éclairent. Celui que défendent Marie Molliens et la Cie Rasposo a dès l’origine souhaité se frotter aux quinquets du théâtre et en revendiquer l’artisanat. Le tremblement des corps qu’elle recherche est plus proche de la flamme d’une bougie que des grands projecteurs spectaculaires qui vendent avec vulgarité d’exhibitionnistes virtuosités. Qu’on imagine plutôt ici, avec la ferveur quasi-religieuse que le titre de ce nouveau tableau suggère – délicatesse des images, somptuosité des couleurs – ce rituel du lancer de couteaux qui flirte amoureusement avec la mort et le danger. Cette lanceuse de lames et de larmes nous vient de Hollande, et c’est sa première apparition chez Rasposo. Qu’on se souvienne de la fragilité sensuelle de Marie Molliens qui se joue de l’équilibre et traversera – pour nous – les chaos qu’elle sème sur son chemin de fil tendu. Qu’on ose la fulgurance inattendue du rire qui jongle avec des anneaux de hula hoop. Qu’on laisse advenir la beauté, celle, improbable, que les mots cernent mal et que la musique d’un J. S. Bach interprétée à la guitare sait remercier d’être là...
Après La DévORée et plus loin déjà, Le Chant du Dindon – deux créations présentées à l’Espace des Arts – Oraison célèbre une intériorité humble et fière, un cirque de chair et de corps abandonnés. Dans la pénombre de la piste, résonnent encore quelques notes d’orgue de barbarie, tristes et joyeuses comme une prière de cirque. Beau et étrange comme un pas de danse se risquant dans un labyrinthe de couteaux, incertain comme un somnambule s’aventurant sur une corde raide.